Victor Hugo,  » pro  » du storytelling !

Annabelle Massin

L’éloquence est une arme de persuasion massive.

Il existe une parole spontanée et une parole réfléchie ; la seconde est fondée sur un ensemble de techniques, que l’on appelle la rhétorique. Cette discipline s’apprend, ou s’enseigne, pour convaincre un auditoire, défendre son point de vue, ou ne pas se laisser manipuler. Plus qu’une technique, c’est un art qui devrait faire partie de toute éducation, de toute pédagogie. Indispensable, à l’âge où chacun est en mesure de comprendre l’enjeu de défendre avec force ses idées ou de se protéger face à la multiplication des contenus parfois erronés, parfois non sourcés, parfois manipulateurs.

Rhétorique et émotion : une relation fusionnelle

C’est parce qu’un discours a la force de nous émouvoir, qu’il a le pouvoir de nous convaincre.  » Les mots ont le pouvoir qu’on leur donne « . Le terme de pathos désigne les effets émotionnels et passionnels produits par un discours sur un auditoire. À travers un savant décryptage de la tribune (1) du jeune député Victor Hugo (juillet 1949) sur les ravages de la misère humaine, sont visibles trois procédés de l’art de la rhétorique, pour créer de l’émotion dans un discours, et convaincre son public :

  • La métaphorisation : l’utilisation d’une comparaison pour véhiculer un message déclencheur d’une émotion. Ici une émotion préalable de dégoût.
  • La description : l’exposition d’une situation insoutenable pour susciter ici, en premier lieu, de la tristesse.
  • La narration ou le storytelling : le récit d’une histoire pour créer une proximité et installer l’auditeur comme partie prenante.

Provoquer une réaction affective est gage de conscientisation.

Dans cette tribune de Victor Hugo, chaque procédé fait défiler crescendo quatre émotions : le dégoût, la tristesse, la honte, la colère ; après la colère est espéré un passage à l’action (CTA ou Call To Action dans le langage du copywriter). Le choix des émotions est donc travaillé dans deux buts précis : la conscientisation d’une situation et l’adhésion d’un auditoire. Ce que cela nous montre, qui n’est pas nouveau, mais demeure à mes yeux vertigineux, c’est que les émotions peuvent être utilisées de la manière la plus noble, comme il en est de cette tribune, mais aussi de la manière la plus contestable. Dans ce dernier cas, la rhétorique se base sur un discours mensonger et la voie de la manipulation est toute tracée.

La rhétorique peut être un art subversif.

À une époque où l’humble maxime de Socrate « je sais que je ne sais pas » est diluée dans un opaque bouillon de certitudes, développer un esprit critique est question de survie. Nous avons tous besoin de convaincre et de ne pas nous laisser manipuler, car la rhétorique est devenue un super pouvoir manié parfois par des usurpateurs. La seule manière de garantir que ce pouvoir sera utilisé à bon escient, c’est de s’assurer qu’il soit partagé par tous, dans un contexte éthique. Développer notre capacité à s’interroger sur la réalité ou la probabilité de faits, doit devenir une habitude, sinon être une exigence.

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Sources

(1) Les pouvoirs de la rhétorique décryptés | Clément VIKTOROVITCH | TEDxParisSalon – YouTube

Annabelle Massin

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