La résistance cognitive est une saine stratégie.

Annabelle Massin

Suppress resistance. Remove all obstacles.

Pour bien apprendre, il faut aussi savoir résister. 

Nous pensions grâce à Jean Piaget, que l’apprentissage se faisait par stades, en escalier, du bébé, à l’enfant, à l’adolescent jusqu’à l’âge l’adulte, en construisant dans nos cerveaux des algorithmes logiques, établis selon des règles concrètes. Or, les neurosciences et la psychologie cognitive apportent un éclairage complémentaire sur la psychologie d’apprentissage.  

Notre cerveau est un véritable détecteur de régularités visuelles, auditives, cognitives. Il enregistre les actions et pensées qui se répètent une multitude de fois dans nos environnements. À partir de celles-ci, il crée donc des stratégies de pensées et d’actions très rapides et efficaces qui marchent bien souvent, mais pas toujours. Et si le cerveau humain se base sur des algorithmes basés sur la logique et la déduction, il fonctionne le plus souvent sur un mode heuristique de statistiques, de répétitions, d’automatismes. Ces heuristiques (hypothèses ou croyances) sont utiles, mais peuvent aussi être trompeuses, sources d’erreurs et de biais cognitifs et perceptifs, donc il faut apprendre à y résister. C’est ce qui est appelé la résistance cognitive. 

Le précieux éclairage des neurosciences

Dans son passionnant ouvrage ,  » Apprendre à résister « , le spécialiste en développement cognitif, Olivier Houdé introduit le concept d’inhibition pour résister aux heuristiques inconscientes. 

Il décrit trois systèmes inhérents au cerveau :

– système 1 : intuition, impulsion

– système 2 : logique, analytique

– système 3 : arbitrage. 

Ce système 3 est le chef d’orchestre du cerveau qui permet d’inhiber et d’activer une bonne stratégie de pensée.

Le raisonnement critique s’apprend.

Étant donné la multitude d’informations à décrypter dans notre société hyper médiatisée, et de moins en moins sourcées, apprendre à résister, à analyser, à trier, à ordonner, permet de ralentir les automatismes de pensées, pour aller vers une réflexion logiquement fondée. À ce titre, l’école a un rôle fondamental à jouer pour apprendre aux enfants à développer ce système 3 situé dans le cortex préfrontal. La résistance cognitive s’éduque et peut s’apprendre dès le plus jeune âge. Pourtant, elle n’est pas au programme scolaire.

Face à nos décisions parfois subjectives, rapides et émotionnelles, Oliver Houdé préconise d’éduquer cette région préfrontale, qui est peu entraînée à inhiber dans nos parcours d’enfants ou d’adultes. Cette résistance cognitive consiste à “ apprendre à penser contre soi “, c’est-à-dire à déjouer les impulsions, les réflexes de pensée, les préjugés, les biais qui reposent sur des données faussées, généralistes et spontanées et donc parfois trompeuses. Tout apprentissage ou prise de décision devrait, en amont, subir cette mécanique de résistance.

La résistance cognitive éveille l’individu.

Un apprentissage, pour être efficace, doit reposer sur la répétition d’automatismes sur un mode rapide, mais aussi, parallèlement, sur l’inhibition cognitive qui se fait sur un mode plus lent, propre à une vraie réflexion. En détectant et en ignorant les stimuli non-pertinents, l’action d’inhibition favorise le bon sens, mais aussi la flexibilité, la créativité, l’innovation, le fameux pas de côté pour sortir du cadre. 

Il existe une pédagogie de la résistance cognitive. Le jeu, par exemple, est un excellent levier d’inhibition. Faire du théâtre, des jeux de rôle, des jeux de points de vue sociaux (se mettre à la place d’une autre personne). Les jeux qui mettent une règle en place, puis l’inverse, le jeu de Stroop(1), le WCSR(2), les jeux de Thiagi(3), etc. À travers eux, on apprend à réfléchir, à résister à la facilité, à déjouer les habitudes, à aller à contre-courant. Cette forme de résistance permet d’éveiller un raisonnement critique, l’empathie, la tolérance, et de s’attacher au sens.

Apprendre à inhiber à l’école ou en entreprise, c’est aussi apprendre à lutter contre les erreurs cognitives, les préjugés, les manipulations, les stéréotypes, l’intolérance, la bêtise, et à se libérer du carcan des idées reçues. C’est devenir un être doué d’une ouverture d’esprit et de sagesse. 

Test

Si je vous dis : 

a/Toutes les roses sont des fleurs

b/Or, certaines fleurs fanent vite

d/Donc…

Que me répondez-vous ?

Sources

Apprendre à résister – Olivier Houdé

https://u-paris.fr/societes-humanites/apprendre-a-resister-pour-combattre-les-biais-cognitifs

Autres 

(1)https://www.psychomotricien-liberal.com/2018/05/31/test-de-stroop/

(2)https://ressources.mieux-apprendre.com/les-jeux-de-thiagi/

(3)https://www.hogrefe.fr/produit/raisonnement-wcst-test-de-classement-de-cartes-du-wisconsin/

Annabelle Massin

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