Pensée rationnelle : gare aux nuisances !

Annabelle Massin

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Anges ou démons, les biais cognitifs influencent notre raisonnement analytique. Pourquoi et comment ?

Tout est biaisé

Chacun d’entre nous bénéficie de raccourcis mentaux pour éviter une surcharge cognitive. C’est l’un des sésames inconscients de cette merveilleuse machine qu’est notre cerveau : le biais cognitif. Ce processus de pensée rapide repose sur des données à la fois extérieures et inhérentes au vécu de l’individu. Ce qui signifie que notre pensée rationnelle et critique s’inspire essentiellement de nos propres valeurs, croyances, jugements, intuitions, etc. Le traitement de l’information s’effectue donc à travers un filtre d’expériences et de préférences personnelles. En cela, le biais cognitif représente une déviation de la pensée logique ou rationnelle qui dépasse le raisonnement analytique fondé sur des informations avérées et pertinentes.

Un jugement trompeur

Introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky, ce concept de biais cognitif explique une tendance vers des décisions irrationnelles causée par des ressources cognitives limitées : temps, intérêt, informations, capacité d’analyse, jugement rationnel, etc. Lorsque ces dernières sont insuffisantes pour effectuer une analyse logique et fondée, alors ces raccourcis cognitifs permettent de porter un jugement rapide et influencent notre manière de penser et d’agir.

Un concept multiforme

La recherche en psychologie cognitive et sociale identifie une multitude de biais relatifs à des facteurs émotionnels, motivationnels, et moraux. Voici une liste de 30 biais cognitifs fréquents, répertoriés dans un excellent article paru dans Psychomédia. Il est fort à parier que certains d’entre eux seront, aussi pour vous, évocateurs :

Les biais de raisonnement

Le biais de confirmation est la tendance, très commune, à ne rechercher et ne prendre en considération que les informations qui confirment les croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.

Le biais de croyance se produit quand le jugement sur la logique d’un argument est biaisé par la croyance en la vérité ou la fausseté de la conclusion. Ainsi, des erreurs de logique seront ignorées si la conclusion correspond aux croyances.

Le biais de représentativité est un raccourci mental qui consiste à porter un jugement à partir de quelques éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs.

Le biais du survivant est une forme de biais de sélection consistant à surévaluer les chances de succès d’une initiative en concentrant l’attention sur les cas ayant réussi, plutôt que des cas représentatifs. Par exemple, les gens qui ont réussi ont une visibilité plus importante, ce qui pousse les autres à surestimer leurs propres chances de succès.

L’illusion de corrélation consiste à percevoir une relation entre deux événements non reliés ou encore à exagérer une relation qui est faible en réalité. Par exemple, l’association d’une caractéristique particulière chez une personne au fait qu’elle appartienne à un groupe particulier alors que la caractéristique n’a rien à voir avec le fait qu’elle appartienne à ce groupe.

L’illusion de savoir consiste à se fier à des croyances erronées pour appréhender une réalité et à ne pas chercher à recueillir d’autres informations. La situation est jugée à tort comme étant similaire à d’autres situations connues et la personne réagit de la façon habituelle.

L’effet de vérité illusoire (ou effet d’illusion de vérité) est la tendance à croire qu’une information est vraie après une exposition répétée.

Le biais de la disponibilité en mémoire consiste à porter un jugement sur une probabilité, selon la facilité avec laquelle des exemples viennent à l’esprit. Ce biais peut, par exemple, amener à prendre pour fréquent un événement récent.

Les biais de jugement

L’illusion positive est un optimisme irréaliste lié à une évaluation exagérée de ses capacités. Les études montrent que la majorité des gens ont tendance à se considérer meilleurs que la moyenne sur une diversité de capacités, ce qui est nécessairement erroné.

L’erreur fondamentale d’attribution est la tendance à surestimer les facteurs personnels pour expliquer le comportement d’autres personnes et à sous-estimer les facteurs conjoncturels.

L’excès de confiance est la tendance à surestimer ses capacités. Ce biais a été mis en évidence par des expériences en psychologie qui ont montré que, dans divers domaines, beaucoup plus que la moitié des participants estiment avoir une intelligence supérieure à la moyenne.

L’effet Dunning-Kruger est le résultat de biais cognitifs qui amènent les personnes les moins compétentes à surestimer leurs compétences et les plus compétentes à les sous-estimer.

Le biais d’auto complaisance est la tendance à attribuer le mérite de ses réussites et à attribuer ses échecs à des facteurs extérieurs défavorables.

L’effet Barnum (ou effet Forer) consiste à accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à soi-même. Les horoscopes jouent sur ce phénomène.

L’effet de halo se produit quand la perception d’une personne ou d’un groupe est influencée par l’opinion que l’on a préalablement pour l’une de ses caractéristiques. Par exemple, une personne de belle apparence physique sera perçue comme intelligente et digne de confiance. L’effet de notoriété est aussi un effet de halo.

Les biais de comportements

Le biais de conformisme est la tendance à penser et agir comme les autres le font.

L’ignorance pluraliste, un concept introduit en 1930 par les psychologues Floyd Allport et Daniel Katz, désigne un phénomène dans lequel une majorité de membres d’un groupe rejettent en privé une norme, mais supposent à tort que la plupart des autres l’acceptent, et donc s’y conforment.

Le biais de faux consensus est la tendance à croire que les autres sont d’accord avec nous, plus qu’ils ne le sont réellement. Ce biais peut être particulièrement présent dans des groupes fermés, dans lesquels les membres rencontrent rarement des gens qui divergent d’opinions, de préférences et de valeurs . Ainsi, des groupes politiques ou religieux peuvent avoir l’impression d’avoir un plus grand soutien qu’ils ne l’ont en réalité.

Le biais de favoritisme intragroupe (ou endogroupe) est la tendance à favoriser les gens qui appartiennent à un même groupe que nous, comparativement aux personnes qui n’en font pas partie.

La croyance en un monde juste est la tendance à croire que le monde est juste et que les gens méritent ce qui leur arrive. Des études ont montré que cette croyance répond souvent à un important besoin de sécurité. Différents processus cognitifs entrent en œuvre pour préserver la croyance que la société est juste et équitable, malgré les faits qui montrent le contraire.

L’effet de simple exposition est une augmentation de la probabilité d’un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose, par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet. Ce biais peut intervenir notamment dans la réponse à la publicité.

L’effet boomerang est le phénomène selon lequel les tentatives de persuasion ont l’effet inverse de celui attendu. Les croyances initiales sont renforcées face à des preuves pourtant contradictoires.

Les biais temporels

Le biais rétrospectif est la tendance à surestimer, une fois un événement survenu, la manière dont on le jugeait prévisible ou probable.

Le biais de négativité est la tendance à donner plus de poids aux informations et aux expériences négatives qu’aux positives et à s’en souvenir davantage.

Le biais de normalité est une tendance à croire que les choses fonctionneront à l’avenir, comme elles ont fonctionné dans le passé et donc à sous-estimer, par exemple, la probabilité d’un événement exceptionnel, tel qu’une catastrophe et ses effets possibles.

Le biais d’optimisme est une tendance à accorder plus d’attention aux bonnes nouvelles qu’aux mauvaises.

Les biais décisionnels

L’aversion de la dépossession (ou effet de dotation) désigne une tendance à attribuer une plus grande valeur à un objet que l’on possède, qu’à un même objet que l’on ne possède pas. Ainsi, le propriétaire d’une maison pourrait estimer la valeur de celle-ci comme étant plus élevée que ce qu’il serait disposé à payer pour une maison équivalente.

Le biais de statu quo est la tendance à préférer laisser les choses telles qu’elles sont, un changement apparaissant comme apportant plus de risques et d’inconvénients que d’avantages possibles. Dans divers domaines, ce biais explique des choix qui ne sont pas les plus rationnels. (Un biais se rapprochant du biais de statu quo est celui de la tendance à la justification du système.

Le biais d’omission consiste à considérer que causer éventuellement un tort par une action est pire que causer un tort par l’inaction. Ainsi, le biais d’omission pourrait contribuer à expliquer que, dans l’incertitude, certains choisiront de refuser d’agir.

Le biais de cadrage est la tendance à être influencé par la manière dont un problème est présenté. Par exemple, la décision d’aller de l’avant ou pas avec une chirurgie peut être affectée par le fait que cette chirurgie soit décrite en terme de taux de succès ou en terme de taux d’échec, même si les deux chiffres fournissent la même information.

Le biais d’ancrage est la tendance à utiliser indûment une information comme référence. Il s’agit généralement du premier élément d’information acquis sur le sujet. Ce biais peut intervenir, par exemple, dans les négociations, les soldes des magasins ou les menus de restaurants.

Pour aller plus loin :

http://7 fonctionnements psychologiques qui rendent vulnérable aux fake news |

Psychomédia (psychomedia.qc.ca)http://(1) 30 biais cognitifs qui nuisent à la pensée rationnelle | Psychomédia (psychomedia.qc.ca)

Annabelle Massin

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