De fil en aiguille, la vérité s’impose
Quand j’étais petite, je pensais que les autorités étaient justes et droites, qu’elles savaient où elles allaient, qu’elles avaient un gouvernail, un sextant et le vent toujours en poupe. Une confiance totale, une confiance aveugle. Puis le temps a passé, puis mon jugement s’est dérouté vers un scepticisme certain, vers un questionnement. L’esprit critique a toqué à ma porte, a ébranlé mes valeurs, a fait battre mon cœur peiné de tant d’incompréhensions et d’injustices. D’un lieu intouchable, perché sur une estrade, je les ai vus sous un autre angle, parader comme des maîtres et non plus comme des sages. Parce que justement, les sages furent bannis et les maîtres devinrent les fourbes, avec Grolouche à leur tête !
Le manichéisme est l’ennemi de la nuance
Quand j’étais petite, j’adorais Guignol, parce qu’il était drôle et fanfaron ; qu’il avait le pouvoir de démasquer le traître, grâce à son public qui lui hurlait l’outrage et désignait le renégat dans un élan de rires. C’est à coups de bâtons qu’il le faisait déguerpir cet outrageux, vexé d’avoir été démasqué par la liesse citoyenne. Guignol avait toute confiance en son peuple, venu partager son aventure derrière un rideau rouge, qui soudainement s’ouvrait sur tout un monde. Le monde des Hommes apparaissait drôle et léger, manichéen ; L’histoire d’un gentil contre un méchant suffisait à nous distraire ; parce que sans doute, nous en connaissions l’issue.
Au pays des injustices, le roi est sourd
Les années passant, la donne a changé, les rires se sont crispés, puis Guignol un moment s’est tu. Derrière le rideau, le spectacle est morose, sinon affligeant. Le mot « guignol » a changé de camp et désigne les fourbes du haut de leur perchoir, assénant des vérités qui ne tiennent qu’à eux, excluant la critique, le bon sens des sages et les cris de son peuple qui alertent de tant d’injustices, de censures et de manipulations. Sourds, pas malentendants, ces guignols paradent en transformant les règles, en bafouant les droits, en modifiant la réalité de leurs mensonges et en ayant recours, l’air de rien, à l’asservissement. Les coups de bâtons fictifs sont des coups de matraques, la réponse aux cris du peuple est devenue injure, et la violence des mots et des actes s’est banalisée.
Mais où sont les philosophes ?
Où sont Socrate, Platon et Aristote ? Les Bien-pensants, les Sages, les Hommes de parole » qui font de l’intelligence l’instrument d’une quête méthodique de la vérité. » Où sont ceux qui respectent l’espèce humaine dans toute sa diversité et sa complexité ? D’aucuns diront des intellectuels ? non, des philosophes. Et pas de sages honorables prêts à se sacrifier en buvant le poison, sous les regards excités des fourbes dans la tribune ; des sages prêts à combattre, non pas par les armes, mais par la force de leurs croyances, non par les effets de manches, mais par l’opiniâtreté et la réalité de la Science, de la preuve et de la déduction.
Allumer sa lampe frontale
Oeillères et muselières imposées par la soi-disant bien-pensance brident ces sages tapis dans l’ombre. Malgré tout, ils éclairent de leur science et guident ceux qui perçoivent le jeu cynique. Ils réveillent les ADN des courageux ; ils persistent et signent malgré les offenses, toujours tournés vers l’étoile du Berger. Un faisceau de lumière dans une grotte ténébreuse, une lampe frontale dans une nuit obscure. J’en ai commis des fautes d’appréciation, et j’ai été aveugle dans bien des domaines. Je suis passée à côté de bien des combats, légère dans mon confort, sereine dans mon espace. Et pendant que certaines et certains levaient déjà leurs poings au ciel, et battaient le pavé de leurs justes convictions, je ne voyais le combat que de l’angle de la meurtrière ; avec un champ obstrué et l’horizon usurpé.
Parfois, je me fais honte d’avoir été Candide et de n’avoir pas vu venir Scapin.
AUTRE SOURCE :
Vidéo Youtube – Histoire de Guignol et de Laurent Mourguet (guignol-paris.com)